Vous êtes plutôt feria ou corrida ?

La corrida n’a pour elle aucune justification. Les arguments déployés pour sa défense ne résistent pas à un examen sérieux de sa situation. Parmi les amalgames malhonnêtement entretenus pour sa justification, il en est un qui consiste à assimiler corrida et feria. Si ce sophisme opère de manière attendue, il permet d’une part de noyer les sévices graves et actes de cruauté sur les animaux dans une dimension festive, et d’autre part, de laisser entendre, en filigrane, que les arènes sont abondamment fréquentées par les personnes qui viennent s’amuser, à l’instar des rues envahies pendant les ferias. Ni l’un ni l’autre ne correspondent à la réalité.

Les animaux ne sont pas à la fête

La corrida provoque un rejet massif de la part de Français. Tous sondages confondus, c’est 80 % de nos compatriotes qui souhaitent la voir descendre aux oubliettes sans possibilité de remonter à la lumière du jour. Ce pourcentage est à peine plus faible dans les régions où elle sévit. Selon la récente étude de la Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie sur les financements publics de la corrida, la ville de Nîmes affiche deux millions de visiteurs pendant la féria. Or, à peine 5 % d’entre eux se rendent aux arènes. Nul besoin d’avoir un Doctorat en mathématiques appliquées pour faire la soustraction : 95 % des participants à la feria nîmoise ne viennent que pour la fête. S’amuser dans les rues, s’installer dans une bodega ou écouter un concert n’expose pas à la vision d’un animal transpercé de diverses armes blanches qui finira pas s’effondrer exsangue à l’issue de coups répétés et savamment orchestrés. Les chiffres ne mentent pas : sur 2 millions de visiteurs à la feria de Nîmes, c’est 1,905 million d’entre eux qui ne posent pas leurs yeux sur un animal victime d’actes de cruauté. Cependant, cet argument qui n’en est pas un nous a été servi à l’Assemblée nationale par le Gouvernement au travers de la voix de Dominique Faure, alors secrétaire d’Etat chargée de la ruralité, pour justifier le refus de soutenir la proposition de loi qui aurait mit un terme au supplice des taureaux : « Ces corridas, dans plusieurs villes du sud de la France, sont l’objet d’un véritable engouement populaire qui, pendant une semaine, fait vibrer et adhérer toute une population ». Les Français, eux, ne s’y trompent pas : la fête, c’est la feria, la corrida, c’est autre chose.

Déficit de la corrida

Le même rapport de la Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie mentionné précédemment vient encore enfoncer le clou. En dépit de l’injection de fonds publics à hauteur de près d’un million d’euros de la part de la Ville de Nîmes et de sa métropole, la corrida accuse un déficit estimé à environ 400 000 euros. Outre l’interrogation soulevée sur l’opportunité d’un pareil financement envers une pratique conspuée par 8 Français sur 10, les sommes engagés et la perte constatée signent le désintérêt massif des participants à la feria pour la corrida. Mais, la débâcle ne s’arrête pas là. Ce même rapport souligne que la communauté d’agglomération nîmoise achète elle-même un nombre de place non négligeable. Voilà qui vient encore fausser les chiffres sur le nombre de places vendues et argumenter de manière incontestable sur le caractère fallacieux de l’amalgame feria-corrida.

Si la corrida, dans son essence, se défend aux moyens de principes archaïques qui ne peuvent plus tenir en 2025 face aux avancées scientifiques, sa défense qui consiste à entretenir l’amalgame avec la feria est tout aussi poussiéreuse. Les chiffres, eux aussi, sont en faveur de l’abolition.