Lorsqu’on lui coupe les oreilles et la queue, le taureau est toujours vivant

Suite à un article qui s’appuie sur des études de vétérinaires qui affirment que le taureau est toujours sensible et conscient lorsque certains de ses attributs sont découpés afin d’être remis en trophée au toréro, il s’en est suivi des remises en cause de la véracité des conclusions scientifiques.

Il y a quelques jours, il était question au Parlement européen de Strasbourg – à l’occasion de la conférence de presse concernant la corrida – de faire reculer l’obscurantisme au profit d’avis éclairés. Nous restons dans ce thème.

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Mardi 18 octobre 2022 – 10H30 AM

Parlement européen de Strasbourg

La voix des taureaux suppliciés dans les arènes a retenti au Parlement européen de Strasbourg à l’occasion d’une conférence de presse organisée par l’eurodéputé Younous Omarjee, en lien avec la Fondation Brigitte Bardot. Monsieur Omarjee a donc introduit le propos en affirmant son soutien plein et entier au projet de proposition de loi abolitionniste porté par Aymeric Caron, invité à s’exprimer lors de cette rencontre. Outre le Député français, l’eurodéputé espagnol Jordi Solé ainsi que son homologue portugais Francisco Guerreiro ont également pris la parole, notamment pour expliciter la situation dans leurs pays respectifs. Younous Omarjee a insisté sur la « résonnance dans tous les pays européens » de cette initiative française en rappelant le travail du Parlement européen afin de mettre un terme au financement des élevages de taureaux dit « de combat » par le biais de la politique agricole commune. Au-delà de cet aspect, les intervenants ont pointé le profond humanisme intrinsèquement lié à l’abolition de la corrida.

« Un petit pas pour l’animal, un grand pas pour l’humanité »

C’est ainsi qu’Aymeric Caron présente son texte qui sera débattu à l’Assemblée nationale et le sens qu’il contient a été explicité et largement repris par tous les intervenants.

Certes, la corrida ne concerne « que » quelques centaines de taureaux en France, ce qui est peu au regard des carnages que représentent la vivisection ou encore la chasse, mais prendre un « plaisir morbide », payer pour voir un animal être torturé puis mis à mort dans le cadre de sévices codifiés, pour assister à « une mise à mort gratuite d’un être vivant » constitue une « honte à toute l’humanité » à précisé Younous Omarjee. Il importe désormais que l’Europe rattrape le retard pris sur des pays tels que l’Uruguay ou encore le Chili qui ont banni la corrida de leur sol. Donc, la corrida concerne peu d’individus si elle est mise en perspective des sujets tués dans les abattoirs. Toutefois, elle nous interroge sur le « genre d’humains que nous voulons être » ; en d’autres termes, s’il nous est concevable qu’à notre porte, se déroule « un loisir de torture puis de mise à mort d’un animal dans un rituel sacralisé », sacralisation qui vise à justifier un acte immoral a souligné Aymeric Caron.

La question des images a également été évoquée par ce dernier. Quelles sont celles qui sont diffusées sur la corrida. On montre communément une « torera sympa » ou encore le folklore des costumes qui viennent opportunément détourner l’attention et offrir une vision édulcorée pour occulter une réalité sordide de chairs lacérées, de mises à mort ratées d’un animal dont on devine qu’il voudrait bien que son supplice prenne fin. Ainsi, comment peut-on supporter le travestissement d’une pratique sur laquelle se pose la question même de la diffusion d’images qui mettent à jour sa réalité ? Le mouvement civilisationnel qu’entend l’abolition de la corrida ne peut donc s’arrêter.

Une société éclairée à l’épreuve de l’obscurantisme

« Le taureau ne souffre pas », « il est génétiquement programmé » pour détruire et l’arène est sa seule vocation sont autant d’arguments qualifiés d’obscurantistes par Aymeric Caron. Il suffit de visionner des images, d’entendre le récit du déroulement d’une corrida ou encore de se pencher sur les travaux des vétérinaires sur le sujet pour être convaincus que l’animal est en souffrance, en détresse et n’aspire qu’à sortir du cercle infernal dans lequel il se trouve.

Le Député français rappelle ensuite que l’économie de la corrida est une chimère : seuls à peine 5% des personnes qui participent à une féria se rendent aux arènes.

L’argument de la tradition ne tient pas davantage debout. En effet, « depuis quand la tradition justifie une pratique ? » Et Aymeric Caron de poursuivre en illustrant son propos de l’exemple des chats qui par le passé étaient brûlés vifs sur des bûchers à l’occasion des nuits de la Saint-Jean. L’homme a évolué sur cette tradition. Il s’est aperçu que le petit félin était capable de souffrir, d’éprouver des sentiments et il fait désormais partie de nombreuses familles. Il en est de même pour le taureau en ce qui concerne ses capacités à ressentir, éprouver et être capable de sentiments. L’éthologie et les neuro-sciences sont passées par là.

« Abolir la corrida est une question de démocratie » affirme avec justesse Aymeric Caron. Il rappelle qu’il s’agit « d’une exception à la loi commune » dont la suppression sera l’objet d’une « réparation d’une aberration démocratique ». Pour rappel, en France, les sévices et actes de cruauté sur les animaux sont punis par le code pénal. Une exemption de poursuite est accordée dans certains départements concernant la corrida. Un sondage de février 2022 indique que 87% des Français veulent voir la corrida abolie ; ils sont 65% dans les départements où elle sévit.

L’exemple de la Catalogne

Le Député européen espagnol Jordi Solé rappelle que depuis 11 ans, la corrida n’a plus lieu en Catalogne, sans aucun souci. Votée initialement au niveau local catalan, l’abolition a été frappée d’inconstitutionnalité en Espagne au niveau national. Il est donc entendu que les corridas pourraient à nouveau avoir lieu en Catalogne. L’obstacle à leur réintroduction est… sociétal ! En effet, il n’y a aucune demande en ce sens et la société catalane ne pourrait supporter que des animaux soient de nouveau martyrisés gratuitement et publiquement en toute impunité sur son sol. Il souligne ainsi que l’argument identitaire parfois avancé pour expliquer l’abolition en Catalogne est fallacieux. Jodi Solé suit de près les débats qui s’amorcent en France.

Bien qu’aux termes de cette conférence de presse, aucun journaliste n’a souhaité demander davantage d’éclaircissements ou bien interroger sur un point précis – la question est donc consensuelle, souligne Aymeric Caron – des intervenants ont souhaité prendre la parole. C’est notamment le cas de Pascal Durand, eurodéputé français du groupe Renaissance qui souligne que ce combat est partagé et défendu au niveau européen « avec le cœur et le cerveau » et espère que le Parlement français se montrera à la hauteur au moment du vote. Caroline Roose, Députée européenne belge, apporte également son soutien à l’abolition de la corrida et indique que le groupe écologiste du Sénat français portera le texte devant cette assemblée. L’eurodéputée luxembourgeoise Tilly Metz a enfin tenu a également apporter son soutien et a exprimé sa satisfaction de voir ce texte porté devant le législateur français. C’est avec émotion qu’elle relate ses vacances dans le sud de la France et son dégoût et sa sa tristesse de constater qu’une telle pratique pouvait avoir cours.

Younous Omarjee a conclu cette conférence de presse en rappelant la conférence de Valladolid en 1527 au cours de laquelle la question de savoir si les Indiens possédaient une âme ou pas a été débattue. La question du maintien de la corrida au XXIème siècle est du même ordre. Il conclut sur l’idée que l’intérêt général concerne le vivant et l’interdépendance que nous entretenons avec lui ; le combat abolitionniste contribue à une grande avancée au regard des droits des animaux et leur rapport avec l’humanité.

Noir, il n’y a plus d’espoir…

L’individu qui penserait qu’une corrida ne serait qu’un déferlement d’actes de tortures anarchiques et désorganisés serait dans l’erreur. Ces actes de torture sont parfaitement pensés, organisés et codifiés. Il en est ainsi notamment du deuxième tercio (une corrida comporte trois tercios) au cours duquel des banderilles sont plantées dans le garrot de l’animal.

Chacun peut remarquer les rubans aux couleurs chatoyantes entourant le bâton qui se termine par un harpon d’environ 5 centimètres de long pour environ 16 mm de large, lequel sera enfoncé dans les chairs du taureau déjà meurtries par la pique. Ce savant dispositif a pour objectif de redonner de l’ardeur à l’animal déjà éprouvé par la besogne du picador lors du premier tercio. Rien de tel qu’une bonne dose de souffrance pour réveiller un sujet qui en a déjà eu sa dose et n’aspire qu’à une trêve à ses tourments. Mais il arrive que ces banderilles soient de couleur noire. Ce coloris qui tranche avec les couleurs vives qu’arborent les harpons communément utilisés signifie, sur le plan technique, que les harpons ne mesurent non plus 5 centimètres mais 7 sur 20 mm de largeur. En outre, il ne s’agit pas d’un harpon unique mais d’un double harpon. Vous l’aurez compris, le supplice est augmenté. La question du pourquoi intervient alors. Nous le rappelons : dans la corrida, tout est pensé et organisé. Ce n’est donc pas gratuit, que tout le monde soit rassuré. Il s’agit ici de punir le taureau qui s’est mal comporté à la pique ; en d’autres termes, le taureau qui face à la douleur infligée par l’homme à cheval – au moyen d’une lance terminée par un embout de 3 cm de diamètre sur environ 9 cm de longueur – a eu une attitude plutôt fuyante. Notons au passage que selon la manière dont la pique est manipulée, ce n’est pas moins de 20 à 30 cm qui peuvent s’enfoncer dans les chairs. Mais revenons à l’essentiel, ce taureau qui refuse de subir les sévices qui lui sont destinés. Le président qui juge de la prestation de l’animal peut, au moyen d’un mouchoir rouge, faire savoir que décidément, le bovin enfreint le règlement et se doit d’être puni. Le mouchoir rouge annonce alors les fameuses banderilles noires. Nous relèverons que celles-ci, depuis 1950, remplacent les banderilles de feu qui au moyen d’un ingénieux système d’amorce, faisaient exploser des pétards au moment de leur introduction dans le garrot. Il fut un temps question de les remettre en service mais il s’est avéré, au terme des discussions, que l’opinion publique pourrait s’en émouvoir. L’essentiel à retenir de tout cela est sans conteste l’humiliation de l’éleveur qui voit l’animal qu’il a réservé pour le spectacle faire montre de lâcheté et de couardise. C’est pour cet homme un grand déshonneur. Nous compatissons.

Le chanteur Renaud prête sa voix aux taureaux

En 2007, un spot destiné à lever le voile sur les sévices subis par les taureaux derrière les murs des arènes était diffusé. Les images avaient été tournées en France quelques temps auparavant. Ce spot avait alors été censuré.
Aujourd’hui, il est à nouveau diffusé avec l’autorisation de Renaud dans le cadre d’un partenariat FLAC-SPA. Les images n’ont pas pris une ride.

Source : site de la FLAC – Avec l’autorisation et le soutien renouvelé de Renaud.

Une lettre ouverte un peu fermée…

Dans une lettre ouverte à Aymeric Caron liée au dépôt de la PPL abolitionniste, un aficionado a cru bon de ressasser ad nauseam les éternels poncifs que nous connaissons bien. Tout y passe, ou presque. La prédation, les jeux vidéos ou encore l’écologie. Pour la première, les animaux lorsqu’ils tuent dans la nature, ne se rassemblent pas pour profiter d’une agonie (nous rappelons au passage que le taureau est un animal domestique). Pour les deuxièmes, les conclusions des professionnels de la santé mentale sont sans appel : la corrida favorise l’inversion des valeurs chez les plus jeunes. Pour la troisième, l’abolition de la corrida ne fera pas disparaitre les grands espaces sur lesquels évoluent les taureaux : plus de 90% d’entre eux finissent à la boucherie. Pour les ganaderos, la corrida n’est qu’un « à côté ». Nous nous attarderons également sur le « courage » du toréro dans un « combat » où tout est pensé pour que l’un des « combattants » – celui qui n’a rien demandé – meure au terme de blessures par arme blanche dans le cadre d’un rituel codifié ; ou encore sur le « courage » de l’animal dont le comportement ne reflète en réalité qu’une fuite en avant dans un contexte de stress intense. Vous remarquerez l’anthropomorphisme assumé, lequel a longtemps été l’apanage des défenseurs des animaux. Alain Perret, auteur de La Mafia tauromaniaque (voire sur la page « Ressources » de ce site), avait déjà pu se prononcer sur la
question : selon lui, le taureau se voit affublé d’une vanité que le toréro est seul a pouvoir revendiquer. Il est vrai que les citadins ne peuvent pas comprendre (puisque comme chacun le sait, le monde se divise en deux catégories bien
distinctes : les ruraux, lesquels sont indubitablement en faveur de la corrida, puis les habitants des villes, farouches opposants aux courses de taureaux à l’espagnole) .

Le foisonnement des idées présentes dans ce billet ne pouvant être ici développé in extenso, nous vous laissons donc apprécier par vous-même toute la saveur des thèses qui y sont défendues .

L’ONG One Voice était présente dans les gradins nîmois lors de la corrida de 17 heures 30 du 17 septembre 2022