Noir, il n’y a plus d’espoir…

L’individu qui penserait qu’une corrida ne serait qu’un déferlement d’actes de tortures anarchiques et désorganisés serait dans l’erreur. Ces actes de torture sont parfaitement pensés, organisés et codifiés. Il en est ainsi notamment du deuxième tercio (une corrida comporte trois tercios) au cours duquel des banderilles sont plantées dans le garrot de l’animal.

Chacun peut remarquer les rubans aux couleurs chatoyantes entourant le bâton qui se termine par un harpon d’environ 5 centimètres de long pour environ 16 mm de large, lequel sera enfoncé dans les chairs du taureau déjà meurtries par la pique. Ce savant dispositif a pour objectif de redonner de l’ardeur à l’animal déjà éprouvé par la besogne du picador lors du premier tercio. Rien de tel qu’une bonne dose de souffrance pour réveiller un sujet qui en a déjà eu sa dose et n’aspire qu’à une trêve à ses tourments. Mais il arrive que ces banderilles soient de couleur noire. Ce coloris qui tranche avec les couleurs vives qu’arborent les harpons communément utilisés signifie, sur le plan technique, que les harpons ne mesurent non plus 5 centimètres mais 7 sur 20 mm de largeur. En outre, il ne s’agit pas d’un harpon unique mais d’un double harpon. Vous l’aurez compris, le supplice est augmenté. La question du pourquoi intervient alors. Nous le rappelons : dans la corrida, tout est pensé et organisé. Ce n’est donc pas gratuit, que tout le monde soit rassuré. Il s’agit ici de punir le taureau qui s’est mal comporté à la pique ; en d’autres termes, le taureau qui face à la douleur infligée par l’homme à cheval – au moyen d’une lance terminée par un embout de 3 cm de diamètre sur environ 9 cm de longueur – a eu une attitude plutôt fuyante. Notons au passage que selon la manière dont la pique est manipulée, ce n’est pas moins de 20 à 30 cm qui peuvent s’enfoncer dans les chairs. Mais revenons à l’essentiel, ce taureau qui refuse de subir les sévices qui lui sont destinés. Le président qui juge de la prestation de l’animal peut, au moyen d’un mouchoir rouge, faire savoir que décidément, le bovin enfreint le règlement et se doit d’être puni. Le mouchoir rouge annonce alors les fameuses banderilles noires. Nous relèverons que celles-ci, depuis 1950, remplacent les banderilles de feu qui au moyen d’un ingénieux système d’amorce, faisaient exploser des pétards au moment de leur introduction dans le garrot. Il fut un temps question de les remettre en service mais il s’est avéré, au terme des discussions, que l’opinion publique pourrait s’en émouvoir. L’essentiel à retenir de tout cela est sans conteste l’humiliation de l’éleveur qui voit l’animal qu’il a réservé pour le spectacle faire montre de lâcheté et de couardise. C’est pour cet homme un grand déshonneur. Nous compatissons.